<p>Une technicienne sous le charme…</p> <p>d’une petite grenouille dorée!</p>
Une technicienne sous le charme…
d’une petite grenouille dorée!
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les techniciens et techniciennes qui travaillent au Zoo le font avec cœur et passion.
Pour la St-Valentin, on vous présente l’une d’elles, Julie Trudel, qui s’est entichée d’un projet bien particulier : celui de reproduire en milieu zoologique un petit amphibien en danger critique d’extinction, la grenouille dorée du Panama. Et non, elle n’est pas à la recherche d’un quelconque Prince Charmant qui se cacherait derrière les petits batraciens! Elle est plutôt motivée par l’espoir de sauver l’espèce en nature, où on la considère rare ou probablement disparue.
L’objet de toutes les attentions : la grenouille dorée du Panama
La grenouille dorée du Panama, malgré son nom, est un crapaud à l’apparence d’une grenouille. Le jaune vif de sa coloration est dit aposématique, c’est-à-dire qu’il signale aux prédateurs potentiels que son propriétaire est toxique : en nature, des glandes à la surface de son épiderme produisent une toxine à partir des insectes que la grenouille consomme.
Son dos lisse est jaune avec des taches noires parfois en forme de "X", et son ventre est uniformément jaune. Les mâles et les femelles ont une coloration et des motifs similaires, mais les femelles sont plus grosses que les mâles.
La Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe la grenouille dorée du Panama comme étant en danger critique d'extinction.
Ces amphibiens étaient autrefois assez communs et ont été observés à l'état sauvage de façon régulière jusqu’en 2005.
En plus de la perte d’habitats et la collecte pour le commerce des animaux de compagnie, les petits batraciens dorés ont été gravement touchés par la chytridiomycose, une maladie causée par un champignon aquatique appelé le Batrachochytrium dendrobatidis.
Certaines populations sont disparues en l'espace de quelques mois à la fin de l'année 2004 : aucun individu n'a été observé à l'état sauvage dans toute son aire de répartition historique depuis 2009.
Les institutions zoologiques à la rescousse!
Une quarantaine d’institutions zoologiques accréditées par l’AZA (association des zoos et aquariums) se sont retroussées les manches et travaillent à maintenir des populations viables et génétiquement diversifiées afin de sauver l’espèce : parmi celles-ci, le Zoo de Granby!
Dans l’ensemble de ces institutions en 2023, 413 mâles et 339 femelles ont permis de produire 1 638 petites grenouilles, notamment aux zoos de Baltimore et de Buffalo, extrêmement actifs dans le projet de conservation depuis de nombreuses années.
C’est 20 spécimens adultes (16 mâles et 4 femelles) qui ont été confiés à l’institution québécoise dans le but de maintenir une petite population à l’abri et tenter de les reproduire… un défi qu’ont pris haut la main la technicienne Julie Trudel et ses collègues!
Défi il va sans dire puisque reproduire ces délicats amphibiens ne se fait pas en criant lapin : sur la quarantaine d’institutions zoologiques qui les hébergent, une poignée seulement parvient à en faire la reproduction.
L’expérience collective et le savoir-faire des experts du Zoo, ainsi que le soutien de la communauté zoologique, ont été nécessaires pour parvenir à obtenir des œufs, des têtards… et depuis le 2 février dernier, une toute première petite grenouille issue de l’élevage granbyen!
Rigueur et soins jaloux
Une centaine de petits têtards frétillent actuellement dans les bassins de reproduction du local spécialement aménagé pour la petite grenouille.
Julie et ses collègues surveillent l’apparition de pattes dans certains bassins, signe qu’ils devront diminuer le niveau d’eau afin d’exposer certains rochers et permettre aux nouvelles grenouilles d’entreprendre leur vie terrestre.
Ils s’assurent également que les aquariums sont des milieux de vie « étanches » : pas le moment de perdre les mini têtards dans le système de filtration ou qu’une petite grenouille se mette à jouer les Houdini dans le local!
Ici, rien n’est laissé au hasard et tout l’environnement est contrôlé : ces amphibiens sont très sensibles aux variations infimes de température et à la chimie de l’eau.
Elles vivent dans une eau pratiquement pure, qu’il a même fallu traiter par ozonation afin d’en réduire la conductivité : l’eau déchlorée possède une conductivité d’environ 200 µS/cm, la grenouille tolère 50 µS/cm!
Beaucoup de temps et de lectures ont été consacrés à la préparation du protocole de reproduction, que les techniciens continuent de raffiner au gré de leur propre expérience. C’est un exercice de patience, d’essais et d’erreurs qui permet non seulement d’apprendre, mais aussi d’augmenter ses chances de succès!
Besoins capricieux
Julie et ses collègues surveillent l’apparition d’œufs dans l’abdomen des femelles afin d’introduire les mâles au bon moment.
En amplexus, la femelle produit un fin chapelet d’œufs que le mâle, sur son dos, féconde simultanément. Aussi petits que la pointe d’un crayon, ces œufs sont sensibles à la lumière! Les techniciens doivent donc collecter délicatement ces longs rubans et couvrir les aquariums d’incubation jusqu’à l’éclosion.
L’alimentation est également un défi pour toute cette petite colonie qui sont à différents stades de croissance : les têtards, herbivores, sont nourris avec de la poudre d’algue.
Les grenouilles, du stade juvénile jusqu’à leur taille adulte, sont nourries avec 4 espèces d’insectes élevées sur place, soit de minuscules collemboles, des drosophiles, des charançons et des grillons naissants. En plus de se consacrer aux soins des petites grenouilles dorées et de la centaine de têtards sous leur responsabilité, les techniciens doivent également produire (et entretenir!) la nourriture de leurs précieux amphibiens.
De son propre aveu, Julie confirme que tout ce beau projet représente tout de même beaucoup de travail, puisque près de 90 minutes sont consacrées quotidiennement à l’élevage des grenouilles dorée du Panama, en plus de toutes les autres espèces dont elle et ses collègues ont la responsabilité au Temple de l’Amérique du Sud.
Mais contribuer ainsi à la sauvegarde d’une espèce probablement disparue en nature est une satisfaction sur laquelle il est difficile de mettre des mots et pour laquelle on est prêt à réorganiser son temps.
Et la première naissance à terme d’une petite grenouille au Zoo de Granby est la plus belle récompense qui soit pour tous les efforts déployés jusqu’à maintenant!